Raréfaction des terrains, densification et assainissement énergétique sont autant de bonnes raisons de surélever un immeuble existant pour agrandir ou créer de nouveaux logements. Malheureusement, cette opération peut se révéler un véritable parcours du combattant, car une fois levées les difficultés techniques, reste le pan juridique, loin d’être négligeable.
Avec l’objectif affiché de limiter le mitage du territoire, la LAT (Loi sur l’Aménagement du Territoire) a relancé l’intérêt de la surélévation des immeubles existants, qui permet d’exploiter au maximum les capacités constructives. Couplé à une pénurie de terrains dans certaines régions et à la volonté de contribuer aux objectifs de rénovation énergétique fixés pour 2050, ces montages devraient avoir le vent en poupe.
Pour autant, il s’agit pour l’instant d’un marché de niche, alors que les arguments ne manquent pas : profit issu de la vente des logements créés, augmentation du rendement par l’agrandissement des surfaces, occasion d’effectuer des travaux d’assainissement énergétiques et d’améliorer l’isolation thermique du bâtiment, réduction des charges, revalorisation de l’immeuble…
Si l’écueil de la faisabilité technique peut expliquer cet engouement modéré, le délai d’obtention des autorisations administratives (environ 5 ans en moyenne, notamment à cause des fréquentes oppositions) et la myriade de normes juridiques ont sans nul doute leur part de responsabilité.
- L’audit juridique : un préalable nécessaire
Avant de se lancer dans une surélévation, personne ne conteste la nécessité d’une étude de faisabilité technique. Mais celle-ci ne devrait pas se limiter au seul aspect structurel et architectural : elle devrait englober également toutes les problématiques juridiques, afin d’éviter mauvaises surprises et déconvenues.
En effet, outre l’obtention du permis de construire, impliquant déjà à elle seule le respect de multiples règles (en matière de hauteur des gabarits, de vues et jours, de distances d’implantation des bâtiments, de densité et de coefficient d’utilisation du sol, de planification territoriale, etc…), il faut garder à l’esprit que le régime juridique de l’immeuble peut aussi fortement impacter l’opération.
A titre d’illustration, si l’immeuble existant appartient à un étranger, la LFAIE (Lex Koller / Lex Friedrich) pourrait, selon les circonstances, trouver à s’appliquer, puisque la construction de logements est dans ce cas assimilée à une acquisition.
Mieux vaut donc compléter le diagnostic technique par un audit juridique ! Bien entendu, Immojuris peut vous accompagner dans cette démarche.
- Ecueils juridiques dans un immeuble locatif
Selon l’ampleur de la surélévation (création de nouveaux logements et/ou agrandissement des surfaces existantes), diverses questions vont se poser : relogement des locataires impactés par les travaux, résiliation de tout ou partie des baux, octroi d’indemnisations ou de réduction de loyers. L’expérience révèle que l’instauration d’un dialogue en amont avec les occupants permet de lever la plupart des blocages.
Si les locataires restent en place, les travaux doivent pouvoir « raisonnablement » leur être imposés en application de l’article 260 CO. La difficulté tient ici à l’utilité de tels travaux pour les locataires importunés : quand il n’y en a aucune, difficile voire impossible de les leur imposer. Pas d’autre choix alors que de résilier le bail, ce qui repoussera la réalisation des travaux au départ des locataires, souvent retardé par l’octroi d’une ou plusieurs prolongations.
La résiliation des baux est d’ailleurs souvent l’option retenue en pratique, par rationalité économique d’une part, et parce que ce projet étant souvent fait sur le long terme, le bailleur n’est pas pris au dépourvu. Ici aussi, des solutions négociées de gré à gré sont souhaitables.
Celle-ci sera appréciée sous l’angle de l’article 271 al. 1er CO, la jurisprudence considérant que le congé n’est pas contraire à la bonne foi lorsque le bailleur dispose d’un projet suffisamment mûr et élaboré, et que la présence du locataire rendrait les travaux plus compliqués ou plus chers, ou en retarderait notablement la réalisation (pour un exemple récent : TF 4A_435/2021 du 14 février 2022).
Il faut également prendre en compte la règlementation adoptée par certains cantons pour protéger et préserver le parc locatif, à l’instar de Genève avec la LDTR, et de Vaud avec la LPPPL.
En substance, ces réglementations soumettent à autorisation préalable les travaux de transformation qui ont pour conséquence de modifier l’architecture, la surface, le volume ou la distribution de tout ou partie d’un immeuble ou du logement loué, voire de créer de nouveaux logements, notamment dans les combles. Nul doute que les travaux de surélévation entrent dans cette catégorie et que les procédures administratives instaurées devront, sous réserve des exclusions expressément prévues, être appliquées : consultation préalable des locataires, descriptif précis des travaux et de leur impact sur les loyers, éventuel blocage des loyers pendant 5 ou 10 ans en cas d’autorisation ….
Sans oublier que pour être optimale, la surélévation devrait être couplée avec la rénovation des étages existants et que la répercussion du coût des travaux sur les loyers vire alors au casse-tête, puisque ceux-ci ne sont pas rentés de la même façon selon leur nature !
- Et en PPE ?