Le Conseil Fédéral vient de fixer au 1er janvier 2023 la date d’entrée en vigueur de la réforme de la LBA adoptée par le Parlement en mars 2021. Mais celle-ci impactera peu les professionnels de l’immobilier qui, malgré plusieurs recommandations dans ce sens, ne sont soumis qu’à la marge aux obligations incombant au secteur financier en matière de blanchiment d’argent.
Le GAFI (Groupe d’Action Financière), organisme intergouvernemental dont la Suisse est membre, a, dans plusieurs rapports, identifié les courtiers immobiliers comme une cible privilégiée dans la stratégie de recyclage de capitaux illicites. Bien que les acteurs du monde immobilier puissent être fortement sollicités, peu d’entre eux sont soumis à la Loi sur le Blanchiment d’Argent (LBA), en dépit de la recommandation formulée par le GAFI dans son rapport d’évaluation de 2016.
- Quels professionnels du secteur immobilier sont susceptibles d’être soumis à la LBA ?
La LBA s’applique en premier lieu aux intermédiaires financiers. Avec le développement de la « pierre-papier » au cours des dernières décennies, les directions de fonds, sociétés d’investissement à capital fixe ou variable et sociétés de placement collectif agissant dans la sphère immobilière sont donc concernées.
La LBA soumet également les « négociants » aux obligations qu’elle édicte. Ceux-ci sont définis comme les personnes physiques ou morales qui, à titre professionnel, négocient des biens et reçoivent des espèces en paiement au nom et pour le compte de tiers, définition affinée par l’OBA (Ordonnance sur le Blanchiment d’Argent) : les biens peuvent être des immeubles faisant l’objet d’une vente en vertu de l’article 216 CO. Par conséquent, les courtiers immobiliers qui négocient la vente d’un bien ET qui transfèrent ou versent en espèces sur mandat de l’acheteur tout ou partie du prix de vente au vendeur doivent respecter les obligations de diligence et de communication édictées par la LBA dès lors que le montant total des paiements effectués en espèces est supérieur à CHF 100’000.
Même si la situation est rare, elle peut se présenter. Mieux vaut alors être au fait des obligations qui en découlent.
- Aperçu des principales obligations des négociants soumis à la LBA
La première obligation qui incombe au courtier est de vérifier l’identité de son client selon un processus précisément décrit dans l’OBA, et d’identifier les ayants-droits de l’opération réalisée en respectant le même process.
Il est ensuite tenu de vérifier le contexte de l’opération, notamment la provenance des fonds et son but, lorsque celle-ci lui paraît inhabituelle (ce qui a priori sera systématiquement le cas puisque par définition, il est chargé de transférer des espèces) ou lorsqu’il est en présence d’indices de blanchiment d’argent (l’OBA donne également des exemples d’indices).
En cas de soupçon fondé, il doit en informer le Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (le MROS, Money Laundering Reporting Office-Switzerland), organe rattaché à Fedpol qui joue un rôle de relais et de filtre entre les intermédiaires financiers/négociants et les autorités de poursuite pénale. Celui-ci analysera la situation et, si nécessaire, transmettra aux autorités de poursuite pénale les communications de soupçons.
Enfin, le courtier devra mandater un organe de révision ou un réviseur chargé de contrôler le respect de ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment.
Si aujourd’hui, la « valise de billets » devient une pratique moins répandue, il existe des moyens plus complexes mais plus fréquents de blanchir des capitaux d’origine illicite en investissant dans l’immobilier par le biais de montages contractuels alambiqués, via des sociétés-écrans, ou des prête-noms domiciliés en Suisse. Bien qu’à l’heure actuelle, les professionnels de l’immobilier ne soient pas astreints à signaler ces opérations, une certaine déontologie pourrait toutefois les conduire à renoncer à l’affaire.