Contrat de Performance Energétique : un outil vert pour le bailleur ?

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Eclipsée par la crise sanitaire, la modification de l’OBLF entrée en vigueur au printemps dernier mérite pourtant d’être remise en avant. Bien que perfectible, cette réforme pourrait s’avérer être un précieux instrument pour l’assainissement énergétique des bâtiments loués.

Principalement utilisé dans le secteur public, le CPE fait une timide incursion dans le secteur privé. Si cet outil paraît judicieux pour les PPE et les bâtiments industriels et commerciaux du fait de leurs volumes, les propriétaires de biens loués sont encore frileux. Il faut dire qu’avant le 1er juin 2020, date d’entrée en vigueur de la modification de l’OBLF (Ordonnance sur le Bail à Loyer et le bail à Ferme d’habitations et de locaux commerciaux), seules existaient des mesures d’encouragement jugées insatisfaisantes, notamment parce qu’il était difficile de maintenir des niveaux de loyer abordables au vu des investissements réalisés par le bailleur.

Davantage incitatif, le nouvel article 6c de l’OBLF permet désormais, à certaines conditions, que les charges liées au CPE soient décomptées au titre des frais accessoires pour les baux commerciaux et d’habitation, et incombent donc au locataire, qui en est le premier bénéficiaire. La solution au fameux « dilemme propriétaire-locataire »

1.Qu’est-ce qu’un CPE (contrat de performance énergétique) ?

Le CPE est un contrat conclu entre une entreprise de service énergétiques (ESCO) et le(s) propriétaire(s) d’immeuble(s), par lequel le premier s’engage à réduire la consommation énergétique d’un bâtiment par des mesures techniques et/ou structurelles appropriées, pendant toute la durée du contrat. Le prix de la prestation est généralement déterminé en fonction des économies réalisées, et elle peut être financée de 3 façons : par l’ESCO elle-même, par le propriétaire ou par un tiers. Le contrat peut, en outre, prévoir un bonus ou un malus pour l’ESCO.

Pour le propriétaire, le coût est égal au maximum au montant total des économies réalisées grâce aux services, sur toute la durée du contrat.

Les avantages pour le propriétaire sont loin d’être négligeables : outre le fait de disposer d’un interlocuteur unique pour une gamme complète de services, le risque financier est assumé par l’ESCO. Le CPE est donc à la fois un instrument de mise en œuvre de la politique visant à l’assainissement énergétique des bâtiments, et de financement de celle-ci.

A l’heure actuelle, le CPE n’est pas normé et relève entièrement de la liberté contractuelle des parties. Bien entendu, Immojuris peut vous accompagner dans cette démarche.

2. Le coût du CPE peut-il être répercuté sur le locataire ?

Le propriétaire-bailleur d’un bâtiment énergivore est souvent tenté de renoncer à des investissements dont il ne retire aucun bénéfice, surtout si le locataire n’a pas à financer les avantages dont il jouit.

Depuis le 1er juin 2020 et l’introduction du nouvel article 6c dans l’OBLF, les cartes semblent rebattues, puisque le coût du CPE peut être reporté sur le locataire, à certaines conditions.

La première d’entre elles, impérative, est la conclusion d’un CPE entre le bailleur et une ESCO : toute initiative du bailleur hors CPE ne pourrait permettre l’application du nouvel article 6c de l’OBLF.

Les mesures dont le coût peut être répercuté sur le locataire sont énumérées de manière non-exhaustive à l’al. 2 de l’article 6c OBLF. En effet, dans le cadre du CPE, toute mesure visant à l’efficacité énergétique est envisageable : optimisation du fonctionnement du chauffage, de la ventilation ou de la climatisation, introduction de la domotique, remplacement du système ou de l’équipement, amélioration de l’isolation thermique, voire simples instructions et conseils destinés à modifier le comportement des utilisateurs, ayant une influence sur leur consommation.

Bien que le « coût du CPE » ne soit pas défini en tant que tel, les frais sont plafonnés aux économies réalisées, qui doivent être calculées en toute fiabilité : il faut pouvoir les comparer de manière fiable avec une période de référence définie contractuellement, en tenant compte de l’influence des conditions météorologiques et, cas échéant, du comportement de l’utilisateur. Le bailleur devant pouvoir justifier des facteurs pris en compte (puisqu’il s’agit dorénavant de frais accessoires au sens de l’article 257b CO), il est important que le CPE se réfère à des normes internationales reconnues (tel que le protocole IPMVP).

Ces frais peuvent concerner le chauffage, l’eau chaude, ou encore l’électricité utilisée pour la ventilation et l’éclairage des parties communes (mais pas celle relevant de la consommation personnelle du locataire bien évidemment). Ils ne peuvent être répercutés sur le locataire que pendant 10 ans maximum (durée courante d’un CPE), même s’il continue à bénéficier des économies d’énergie au-delà de ce délai. Idem pour les subventions, qui ne pourront être prises en compte que sur 10 ans maximum.

Si le locataire est déjà en place lors de la signature du CPE, la liste des frais accessoires doit être modifiée. Il est donc indispensable de recourir à la procédure prévue par l’article 269d CO : notification de nouvelles prétentions sur formule officielle, pour la prochaine échéance contractuelle.

Si, au contraire, lors de la signature du bail, un CPE est déjà en cours, les frais devront expressément figurer dans la liste des frais accessoires pour pouvoir être répercutés sur le locataire.

Enfin, le système instauré par l’article 6c OBLF est exclusif de tout autre : non seulement le bailleur ne peut le cumuler avec le mécanisme prévu par l’article 14 OBLF (répercussion partielle sur le loyer des travaux d’amélioration énergétique créant une plus-value), mais en outre, il ne peut donner lieu à une quelconque déduction fiscale, puisqu’il ne s’agit alors pas de charges incombant au propriétaire.

3. Pour les bailleurs sceptiques…

L’habitat étant un des plus gros consommateurs d’énergie, les mois et les années à venir seront déterminants pour répondre au défi posé par la modification de l’OBLF : atteindre les objectifs fixés en matière d’économie d’énergie tout en favorisant le maintien de logements et locaux commerciaux abordables. Ceci dans l’optique de tenter d’éviter que ne soit imposée l’obligation de réaliser des travaux d’assainissement dans les immeubles construits avant 1980, comme le préconise le Rapport sur l’habitat à faible impact environnemental.

Sans aller jusqu’au remplacement des installations existantes, certaines mesures d’optimisation de l’exploitation, faciles à mettre en œuvre et permettant des économies à moindre coût, devraient permettre d’étendre plus largement le marché des CPE dans le milieu locatif. Ainsi, il est possible de conclure un CPE pour procéder au simple remplacement des sources lumineuses, ou tout simplement pour inciter les occupants à adopter un comportement moins énergivore.

Le rapport explicatif accompagnant la réforme contient des exemples chiffrés qui achèveront (ou pas…) de convaincre les bailleurs sceptiques.

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