Si certains de nos voisins européens ont déjà instauré un véritable « droit à la prise » pour les occupants des immeubles collectifs, en Suisse, les locataires ou copropriétaires désirant installer des bornes de recharge pour leurs véhicules électriques doivent parfois se livrer à un véritable parcours du combattant.
Alors que se dessine actuellement la feuille de route pour la mobilité électrique pour la période 2022-2025, il est clair que les objectifs qui y figureront ne pourront être atteints que si l’installation de bornes de recharge dans les immeubles collectifs est facilitée.
Afin d’instaurer un véritable « droit à la recharge », et lever ainsi le principal frein à la transition vers la mobilité électrique, une motion a été déposée par le député Jürg Grossen. Mais tant qu’elle n’est pas adoptée, les règles actuellement en vigueur continuent de s’appliquer.
- Côté locataire
Lorsqu’un locataire souhaite installer une borne de charge individuelle, l’accord écrit du bailleur est requis, ces travaux constituant une transformation/modification au sens de l’article 260a CO. Il peut donc essuyer un refus, le bailleur n’étant même pas tenu de justifier celui-ci. La présentation d’un dossier technique complet et détaillé devrait toutefois permettre d’emporter l’adhésion du bailleur, et la signature d’une convention est conseillée, notamment pour anticiper les conséquences du départ du locataire et le sort des aménagements réalisés (par ex. : indemnisation du locataire ou reprise de l’installation).
Mais indépendamment de toute demande, ou en réponse à celle-ci, le bailleur peut décider d’installer dans le parking des bornes à usage partagé, de pré-équiper plusieurs ou la totalité des places, permettant ensuite facilement l’installation de bornes de recharge individuelles, voire d’équiper directement les places de parc ou certaines d’entre elles.
Ces travaux s’analysant en une prestation supplémentaire du bailleur au sens de l’article 269b let. b CO (définie par l’article 14 OBLF comme une amélioration créant une plus-value voire une prestation accessoire supplémentaire du bailleur lorsque rien n’a été convenu lors de la conclusion du bail), leur coût pourra être répercuté en partie sur le(s) locataire(s) via une hausse de loyer.
En outre, si ces installations génèrent des frais d’exploitation (maintenance, abonnements, …), le bailleur pourra les ajouter à la liste des frais accessoires stipulés au bail, dans le respect des règles posées par l’article 269d CO.
Dans tous les cas, les choses peuvent encore se compliquer si l’immeuble est en PPE, le bailleur devant lui-même obtenir l’accord de la communauté.
- Côté PPE
Dans les immeubles en PPE, quel que soit le statut juridique des places de parc (parties exclusives à part entière, partie commune avec droit d’usage particulier au profit d’un copropriétaire, servitude, …), le copropriétaire désirant installer une borne individuelle de recharge ne pourra faire l’économie d’une autorisation préalable de l’assemblée générale, dans la mesure où les travaux toucheront obligatoirement aux parties communes (murs, câbles et raccordements électriques notamment).
Il devra donc demander l’inscription de la question à l’ordre du jour, en y joignant les plans et descriptif des travaux.
Quant à la majorité requise, elle dépend de la nature des travaux. Si l’on s’en tient au dernier état de la jurisprudence du Tribunal Fédéral, les travaux qui ne profitent qu’à un seul copropriétaire sont qualifiés de somptuaires et nécessitent donc…l’unanimité !
Toutefois, si le copropriétaire demandeur prend à sa charge exclusive le financement des travaux et indemnise, cas échéant, le(s) propriétaire(s) qui subiraient un dommage temporaire, l’article 647e al. 2 CC permet alors que ces travaux soient autorisés à la double majorité.
Mais pour éviter la multiplication des demandes individuelles et le risque de surcharge du réseau électrique qui va avec, il peut être judicieux que la communauté des propriétaires d’étages soit à l’initiative des travaux, afin de les planifier et de proposer une solution collective sur le long terme. Ceux-ci peuvent alors être qualifiés de travaux utiles au sens de l’article 647d CC, puisqu’ils sont destinés à augmenter la valeur de la chose ou améliorer son utilité : ils seront donc adoptés à la double majorité.
Idéalement, cette décision sera précédée d’une véritable réflexion sur le type de travaux à entreprendre (bornes individuelles ou système collectif avec pré-équipement des places), et s’appuiera sur un rapport technique mettant en exergue les limites de capacité de l’infrastructure électrique au regard de la puissance de raccordement nécessaire à la réalisation du projet, ainsi que la gestion de la charge.
La résolution de l’assemblée générale adoptant cette décision devra ensuite :
- décrire précisément la solution technique retenue et les modalités d’installation des bornes
- préciser la répartition du coût des travaux
- prévoir la participation des copropriétaires se pluggant ultérieurement au système s’ils sont dispensés de participer aux travaux d’origine
- statuer sur la répartition des frais de maintenance et d’entretien cas échéant
- spécifier les modalités de décompte des consommations individuelles.
- Subventions
Une fois levées les contraintes techniques et juridiques, reste le nerf de la guerre : le financement !
Outre les montages financiers proposés par certains prestataires, il ne faut pas oublier les subventions octroyées par la Confédération, les cantons et parfois les communes, qui peuvent permettre de diminuer sensiblement la facture finale.
Sur simple mention du NPA de la commune concernée, le site https://www.francsenergie.ch/fr permet de voir en un clin d’œil quelles subventions sont disponibles pour le projet envisagé.
Pour toutes ces démarches (montage juridique du projet, rédaction des différents documents), Immojuris est là !