Quelles alternatives à la propriété traditionnelle ?

Droit de propriété

Depuis quelques années, de nouvelles formes de propriété ont émergé. La conjoncture économique et ses répercussions sur le marché immobilier ont en effet rendu nécessaire une évolution du concept même de propriété, afin de faciliter l’accès du plus grand nombre au statut de propriétaire. Tour d’horizon de quelques-uns de ces alternatives au droit de propriété traditionnel.

Si dans les domaines industriel et commercial, certains de ces modèles ont vu le jour il y a déjà de nombreuses années, essentiellement en tant que leviers de financement, en matière d’habitation, la créativité est plus récente, et la motivation différente : il s’agit plutôt ici de pourvoir au logement des ménages privés.

1. Le leasing immobilier

    Ancré dans les mœurs en matière mobilière, notamment pour l’achat des voitures, le leasing, également appelé crédit-bail ou location-vente, fait une timide incursion dans le milieu immobilier.

    Schématiquement, il s’agit d’un contrat de bail à l’issue ou au cours duquel le locataire peut (il s’agit d’une option et non d’une obligation) acquérir la propriété de la chose louée, selon des modalités définies contractuellement. Les loyers versés valent comme acompte sur le prix de vente (pouvant aller jusqu’à 50% à 60%), ce qui permet aux personnes ne disposant pas du ratio de fonds propres requis de malgré tout devenir propriétaires du logement qu’ils occupent en tant que locataires dans un premier temps. Les loyers ne sont ainsi plus considérés versés « à fonds perdus ».

    Traditionnellement, ce mécanisme est utilisé pour permettre d’amortir le bien ainsi acquis, mais cette caractéristique se prête moins à un bien immobilier, surtout lorsqu’il est utilisé pour se loger.

    A l’heure actuelle, il n’existe aucune règlementation spécifique, les dispositions de la loi sur le crédit à la consommation n’étant pas applicable à cette opération. Celle-ci relève donc successivement du droit du bail et du droit de la vente (notamment la LFAIE), et les stipulations contractuelles revêtent toute leur importance.

    Les règles impératives du droit du bail deviennent alors autant d’écueils à éviter : si la finalité même du contrat de leasing immobilier permet a priori d’éviter la qualification de transaction couplée (prohibée par l’article 254 CO), encore faut-il respecter ce qui concerne la garantie du loyer, les frais accessoires, le caractère abusif du loyer (apprécié en fonction de l’économie globale de l’opération), l’obligation d’entretien du bailleur, les garanties pour les défauts et les travaux de modification effectués par le locataire… sans oublier les règles cantonales protectrices des locataires et la fiscalité !

    Là encore, la finalité du contrat de leasing (transfert d’usage ou de propriété ?) servira de boussole.

    L’une des rares décisions rendues par le Tribunal Fédéral à ce sujet précise que le leasing immobilier n’est pas un contrat de transfert de propriété, et que la forme authentique n’est donc pas requise, à l’exception du droit d’emption (dont la durée ne peut excéder 10 ans) dont le prix serait déterminé à l’avance.

    En pratique, à l’issue du bail, le locataire a 3 options : acquérir le bien contre un prix fixé d’avance, prolonger le contrat ou restituer le bien.

    En pratique, il s’avère que le leasing immobilier est plus incitatif là où il existe de nombreux logements disponibles plutôt que dans les cantons touchés par la pénurie de logements. Ainsi, c’est en Valais que ce type d’opérations connaît le plus de succès.

    2. Le droit de superficie

    L’opération consiste ici à dissocier le foncier du bâti. Dans certains pays, comme la Chine par exemple, c’est d’ailleurs ainsi que la propriété immobilière est envisagée, puisque la terre appartient à l’Etat.

    Utilisé à l’origine par les collectivités publiques comme instrument de leur politique d’aménagement du territoire et du logement, leur permettant de conserver leurs terrains sans pour autant les laisser en jachère, certains opérateurs privés utilisent ce mécanisme afin de répondre à la demande croissante de logements en propriété.

    Juridiquement, le droit de superficie est une servitude conférant à son bénéficiaire la faculté d’avoir ou d’ériger des constructions soit sur le fonds grevé, soit au-dessous (art. 779 al. 1 CC). Il verse au propriétaire du terrain une rente de superficie (généralement annuelle) pendant toute la durée du contrat. A l’échéance prévue, sauf si une prolongation est convenue, les constructions retournent dans le patrimoine du superficiant (le propriétaire foncier), généralement contre versement d’une indemnité au superficiaire (le propriétaire des constructions).

    Le plus souvent, les 2 droits de propriété distincts et limités sont constitués sous la forme d’un DDP (Droit Distinct et Permanent) d’une durée allant de 30 à 99 ans, inscrit comme tel au Registre Foncier.

    Quand on sait que le coût du terrain représente entre 20% et 50% du montant de l’investissement, pour le propriétaire du bâti, l’économie réalisée est donc loin d’être négligeable. Et côté propriétaire foncier, le droit de superficie constitue un outil de gestion patrimoniale lui permettant de percevoir une rente et/ou un capital sans se défaire de la propriété du sol. Récemment d’ailleurs, la société Fim+ s’est spécialisée dans ce type d’opérations, contribuant ainsi à la rénovation et l’entretien des bâtiments dissociés de leur terrain d’ancrage.

    Le contrat constitutif, passé devant notaire, précisera notamment : le montant de la rente versée au propriétaire du terrain (et son éventuelle indexation), la durée du droit, les obligations d’entretien ou de rénovation, la configuration du/des bâtiments envisagé(s), le sort des constructions à l’issue du contrat, un éventuel droit de sortie anticipé, la cessibilité du contrat et un éventuel droit de préemption.

    Une étude réalisée sous l’égide de l’OFL (office Fédéral du Logement) synthétise les principaux aspects et indicateurs, notamment économiques, permettant de conclure un contrat adapté à la configuration de l’opération envisagée.

    3. La propriété à durée limitée

    L’up-cycling pourrait-il également toucher le milieu immobilier ? Partant du constat que la durée d’utilisation effective du bien est généralement de 30 ans, la « propriété à durée limitée » a vu le jour, favorisant ainsi la rénovation et le « recyclage » des biens.

    Il s’agit bel et bien d’une acquisition immobilière, puisque l’acquéreur a les mêmes droits et obligations qu’un propriétaire « traditionnel », mais pendant une durée limitée à l’issue de laquelle l’investisseur redevient plein propriétaire. Ce dernier peut alors le rénover sans être confronté à la problématique des baux en cours et des locataires en place, avant de le revendre ou d’en disposer comme bon lui semble.

    Ce modèle, imaginé pour un investisseur qui possède un immeuble entier et le vend par lot à des propriétaires temporaires, avec un retour progressif dans son patrimoine (il récupère chaque année un pourcentage de propriété) constitue sur le plan juridique une « propriété en main commune » : le propriétaire temporaire et l’investisseur sont tous deux mentionnés au Registre Foncier en tant que propriétaires.

    Comme dans les opérations précédemment évoquées, le prix d’achat est plus avantageux, rendant ainsi accessibles à la propriété davantage d’objets. Il est établi sur la base d’un calcul économique tenant compte de la durée de vie du bien immobilier, le propriétaire temporaire ne payant « que » la durée d’utilisation prévue, outre des frais mensuels (très inférieurs à un loyer) destinés à couvrir les frais du capital investi, le maintien de la substance de l’immeuble et les risques de solvabilité.

    Ce modèle encore peu connu risque cependant de faire les frais de la remontée des taux d’intérêts, le rendement pour les investisseurs potentiels (majoritairement des institutionnels) s’en trouvant sensiblement affecté.

    Dans une société en perpétuelle transformation, on peut donc se demander si la propriété traditionnelle a vécu ? A priori, elle a encore de beaux jours devant elle, car ces nouvelles formes ne sont pour l’instant qu’à l’état embryonnaire et peu significatives en termes de parts de marché. Si l’envie vous prend de tenter l’expérience, Immojuris peut vous accompagner dans cette démarche.

    Facebook
    Email
    Twitter
    LinkedIn
    WhatsApp